En Haïti, le Rará ou Ban a Pye est une forme de musique festive jouée durant les processions de rues du même nom qui se déroulent durant la semaine sainte chrétienne, au début du printemps. Durant cette période, les esclaves et affranchis avaient l'autorisation de défiler en exhibant leurs propres traditions. Sous couvert d'un vernis de culture coloniale chrétienne, ils pouvaient alors manifester publiquement leur africanité.
Traditionnellement, le carnaval défile dans les rues, circulant de quartiers en quartiers et de villages en villages entre le jeudi et le samedi, intégrant sur son passage les groupes de musiciens et de danseurs et les spectateurs qui s'unissent à cette célébration. Les orchestres s'arrêtent aux lieux religieux importants comme les cimetières, où ils saluent leurs morts et demandent protection et vie meilleure.
Suite à la révolution haïtienne de 1791, cette pratique est importée dans l'Oriente cubain. Après la cérémonie du caoline, débute le défilé pendant lequel les participants se défient au cours d'exploits physiques dont les accessoires ne sont pas moins que des machettes ou des bâtons de feu. C'est peut être de là que vient le mot gagá qui signifie "fou" ou "idiot" en créole. Chaque jour, des chants et des danses permettent d'honorer une déité particulière. Quand la procession arrive à un croisement de route, un tribut est rendu à OrienteCriminelle et à diverses Loas petros.
Aujourd'hui, le Gagá est l'un des faits culturels les plus marquants de tout l'Oriente cubain (Santiago, Holguín et provinces de Ciego de Ávila, Camagüey et Las Tunas) et constitue l'un des piliers du carnaval annuel dans la région. Ayant en grande partie perdu ses aspects rituels, les cubains arrivent à considérer le Gagá comme une variante des défilés carnavalesques de Conga, une "Conga haïtienne" ou "Conga rurale".
Les danses
Les danseurs arborent des couleurs vives qui permettent de plus rapidement les reconnaître. Ils portent en général un foulard ou un bandana sur la tête. Une série de bandelettes multicolores est fréquemment accrochée à leur habits.
Lors du défilé, au son du Gagá chay (qui signifie "Gagá pesant, lourd"), Gagá pye ou Gagá pie au tempo modéré, la chorégraphie réalisée par le major lamé est orchestrée par le majò jon, majè jon ou major jonc. Ce chef danseur manie le jonc, bâton d'un mètre de long, en même temps qu'il exerce les pas de danse. Parfois, les danseurs sont accompagnés du major zanco, perché sur des échasses.
Lors des phases statiques (pauses, rencontre entre 2 troupes ou point d'arrivée du défilé), la danse devient plus individuelle. Au rythme du Gagá pingué, plus rapide, les danseurs démontrent leur virtuosité avec des tours de forces ou des acrobaties risquées. Parmi eux, le major machet qui manie des machettes et passe leur lame sur sa langue, son visage, ses bras ou son torse. Le major table porte, à la seule force des ses mâchoires, une table dressée. Certains dansent en crachant du feu, se passent le feu d'une torche sur la peau, sautent au dessus de flammes ou marchent sur braises.
Parmi les pas de base du Gagá, on peut facilement distinguer un pas de marche, effectué sur place ou d'avant en arrière. Bien encré dans le sol, les pieds alternent avec un déhanché très marqué. Un autre, formant un mouvement latéral ou d'avant en arrière, est plus sauté avec les bras qui accompagnent le mouvement. Certains des pas ont un caractère sexuel bien affirmé.