Les Congos

Les Congos à Cuba

Le terme Congos regroupe une grande diversité de peuples bantous (de "ntu" qui signifie "être humain" et "ba" un préfixe pluriel) déplacés à Cuba durant toute la période de l'esclavage depuis l'ancien royaume du Kongo. Les habitants de cet empire s'appelaient alors les Bakongos ou Bacongos (Angola du Nord, sud du Zaïre, sud du Congo) et parlaient le Kikongo. La capitale Mbanza Kongo (dans l'actuel Zaïre en Angola) était dirigée par le Manikongo (roi). Aujourd'hui, cette zone correspond aux régions qui entourent le fleuve Congo : la République du Congo (Congo-Brazzaville), la République démocratique du Congo (Congo-Kinshasa) et le nord de l'Angola.

Royaume Kongo
Royaume Kongo

Communément, l'orthographe Kongos est rattachée à l'Afrique alors que l'orthographe Congos est liée à Cuba.

Les premiers esclaves Congos arrivent à Cuba à partir de la seconde moitié du 16ème siècle mais ce n'est qu'à partir de la seconde partie du 18ème siècle que leur présence s'intensifie sur l'île. Composés d'Abudus ou Ambundus (Angola et Zaïre) et de quelques Makuas (Mozambique), ils sont d'abord regroupés dans les bourgades rurales des anciennes provinces de Matanzas et de Las Villas (grandes plantations de canne à sucre de Colón, Cienfuegos et Trinidad). Par la suite, ils forment des cabildos urbains à l'image du cabildo de Congos reales (1856) à la Havane. Au 19ème siècle, on dénombre 21 cabildos congos à la Havane, 1 dans le reste de la province de la Havane, 6 à Matanzas, 2 à Santiago de Cuba et 15 dans les 11 autres provinces.

Suite à la disparition des cabildos au début du 20ème siècle, la pratique congo eut lieu dans des munanso (maisons-temples) nées d'initiatives privées. Les premières connues sont Nkita Munankita, Musundi Congo, Brillumba Congo, Pati Congo, Congo Mayombe, Mayombe Brillumba Congo, Congo Coraima, Vititi Congo Bisango, Congo Mulence, Congo Ganga Ncoco, Mayombe Palomonte ou Palomonte Mayimbe.

Parmi les Congos, Pedro Chapeaux Deschamps liste les ethnies Loango, Musulongo ou Mosolongo, Masinga, Musundi, Mucamba ou Macamba, Musoro, Olacamba, Cabo Verde, Bungana, Morubamba, Mayaca, Mironga et Mondongo. Lydia Cabrera cite elle les groupes Basongo, Mumbona ou Mumboma, Bateke, Mundemba, Bakongo ou Maconga, Musabela, Kabinda, Bayaka, Benguela, Mondongo, Ngola ou Angola, Mayombe... On trouve encore les dénominations Mobanque, Mumbala, Bambala, Cabenda, Bangui ou Mongo. On estime qu'environ 400.000 esclaves congos furent déplacés à Cuba.

Ethnies Kongos
Ethnies Kongos

La religion

Les Congos pratiquent à Cuba la religion de la Regla Congo aussi appelée Regla de Palo, Palo Congo, Palo Monte ou plus simplement Palo. Ceux qui la pratiquent se nomment les paleros, ngangeros ou nganguleros.

Le Palo n'est pas régi par une autorité supérieure centralisée. Il se pratique essentiellement dans des maisons-temple connues sous le nom de casas de Palo, munanso Congo, munanzo Congo ou Nzo-Nganga. Ces lieux de pratique sont dirigés par d'influentes personnalités masculines (tata ou padre) comme féminines (yaya ou madre) qui jouent le rôle de référants religieux. La zone la plus importante de ces casas de Palo est la mananso vela, chambre sacrée pour la règle congo.

Vu la diversité des peuples regroupés sous le nom de Congos, on peut s'attendre à ce qu'il n'existe pas un culte Palo mais un ensemble de cultes partageant une croyance commune dont les pratiques diffèrent. Ainsi, cette croyance se décline en 4 grands courants, appelés ramas :

  • le Palo Mayombe, courant principal, le plus pur et le moins syncrétisé. C'est la première à apparaître à Cuba, dans la région de Pinar del Río où de nombreux esclaves du royaume du Kongo s'évadaient dès leur arrivée. Rattrapés par les rancheros et exécutés jusque dans les palenques, leurs esprits constituent les fondements du Mayombe. D'ailleurs, le Mayombe ne traite qu'avec les nfumbes ou infumbes (énergies des défunts) et avec une seule divinité, Siete Rayos Nsasi. Le mot "mayombe" désigne les titres honorifiques de "chef supérieur" ou "gouverneur". Ses praticants sont appelés des mayomberos ;
  • le Palo Briyumba, Palo Brillumba ou plus rarement Palo Vrillumba, basée sur le Palo Mayombe et enrichie avec la Santería. C'est la version du Palo la plus répandue dans le monde. En s'ouvrant aux non-Congos, elle s'est fortement syncrétisée avec le christianisme. Le terme "brillumba" vient du kikongo et signifie "crâne". Ceci vient du fait que les ossements sont un des fondements de cette variante du Palo. Le Briyumba traite avec les nfumbes et les kimpungulu (divinités) mais aussi avec les Orishas de la Santería ;
  • le Palo Kimbisa ou Palo Quimbisa, qui s'est développé dans l'Oriente et proviendrait d'une société secrète africaine, les Kimpasis ;
  • le Malongo, Chamalongo ou Xian Malongo dont le nom contient les mots "xiomo" ("très fort") et "longo" ("originaire des terres de Loango"). Ce culte est enrichi de la Santería et de l'Espiritismo. Il n'utilise pas les nfumbes qui sont remplacés par de la matière (par exemple des pierres comme dans la Santería).

Chacune de ces branches possède ses variantes. Ainsi, la règle Mayombe se divise en Batalla Saca Empeño ou Batalla Saca Mpeño, Mayombe Saca Empeño ou Mayombe Saca Mpeño, Nsala Mayombe Ngando Sese ou Ensala Mayombe Ngando Sese, Nsala Mayombe Ngando Batalla Congo ou Ensala Mayombe Ngando Batalla Congo...

La règle Briyumba se divise en Briyumba Kongo, Rompe Monte, Guindavela, Rompemonte-Guindavela, Vence Guerra Viramundo, Vence Guerra Acaba Mundo, Mayaca, Siete Briyumba, Changani, Vititi Kongo, Quijenco, Monte Garavato, Sarabanda Malafama, Paticongo Clava Clava...

La règle Kimbisa est à l'origine de la branche du Santo Cristo del Buen Viaje, fondée à la Havane au milieu du 19ème siècle (on trouve la date de 1843) par Andrés Facundo Cristo de Dolores Petit afin d'unifier, dans le culte congo, les pouvoirs de la Santería et du catholicisme. Elle contient des éléments de toutes les religions pratiquées à Cuba. C'est une forme mixte de la pratique religieuse qui s'appelle Santo Cruzado ou Palo Cruzado.

Le Palo est réputé plus dangereux et plus efficace que la Santería, son esthétique étant plus brute et moins raffinée que cette dernière. Le Palo table sur une efficacité directe et utilise pour cela des ingrédients rituels forts comme le sang ou l'alcool. De fait, lorsque les gouvernements cubains voulurent faire disparaître les pratiques religieuses d'origine africaine, ils se servirent de cela pour comparer le Palo à de la brujería ("sorcellerie" au sens "magie noire"). Ils ont ainsi cherché à donner une mauvaise image à cette pratique. Le Palo garde aujourd'hui encore cette connotation négative. Ceci vient sûrement de la méconnaissance de cette religion.

Le panthéon religieux

Le Palo admet un Dieu suprême et tout-puissant qui se nomme Nsambi, Nzambi, Sambi, Insambi, Zambi, Sambia, Nsambia, Nsambiapungo, Sambiapunguele, Sambia Mpúngu, Pungun Sambia, Pungún Sambia, Sambia Liri, Sambia Surukuru, Tubisia Sambi ou Sambi Bilong. Il est le créateur du ciel, des étoiles, de la lune, du soleil et de la Terre. Il créa la nature et ses forces (les tempêtes, les vents, la chaleur...), puis, les animaux, l'homme et la femme. Il apprit à ces derniers comment survivre et comment travailler avec les forces de la nature. Il leur enseigna les mystères des minkisi (pluriel de knisi, réceptacle religieux qui permet de capturer les forces divines), des makutos (pluriel de nkuto, réceptacles religieux de type knisi qui protègent une zone) et des bagangas (pluriel de nganga, prêtres qui communiquent avec les forces divines). Nzambi intervient dans la création de chaque individu. Il dispose de la vie et de la mort et il punit tous ceux qui transgressent ses lois. Il est l'équivalent d'Olodumare du panthéon yoruba. Nzambi partage le ciel avec son pendant négatif, Lugombé, Lugambé, Lukankanse, Lukankazi, Lucambe, Kadiampembe, Kadiempembe ou Nkadi Mpemba, pris pour l'équivalent chrétien du diable mais qui est plutôt l'aspect négatif au sens d'une opposition de polarité plus que d'une notion éthique ou morale.

Nsambi n'a pas de repésentation. Aucun culte n'est rendu à cette divinité qui n'a aucun contact avec les hommes et a laissé à des esprits intermédiaires, les kimpungulu (pluriel de Mpongo, Mpungo ou Mpungu), le soin d'assurer le lien. Les Kimpungulu sont des entités divines attachées à des manifestations naturelles (comme la foudre, le vent...) et investies de certains pouvoirs. Ils sont équivalents aux Orishas mais n'occupent pas la même place centrale dans les rituels. Ils sont souvent et à divers niveaux attachés à la mort en étant par exemple gardiens de cimetières ou dispensateurs de maladie. Ceci s'explique par le fait que la religion bantoue est avant tout un culte des morts et des ancêtres. Ils sont aussi maîtres des rivières, cascades et forêts. En effet, ces éléments naturels étaient considérés comme la limite entre le monde des vivants et des morts, en conséquence de quoi, l'esprit qui les habitait devait avoir un pied dans les deux mondes.

Dans le Palo, les Kimpungulu sont appelés Inquices, Inquises ou Enkisis, traduction de knisi. Il s'agit là d'une déformation de la signification d'origine car, en Afrique, le knisi est le récipient, le fétiche, ou l'objet en général qui reçoit une préparation magique chargée de capturer les esprits locaux attachés aux lieux et les Kimpungulu.

Voici une liste des principaux kimpungulu :

Enfin, pour les Kongos, le monde est partagé entre le royaume de Dieu (nzulu qui signifie ciel) et celui des humains (ntoto qui se traduit par Terre). Entre les deux, existe un immense océan (kalunga) où vont et viennent entre le divin et l'humain une hiérarchie d'esprits. Au dessus de l'homme, se situent les fantômes et les ancêtres. Les fantômes (nkuyu) sont des esprits errants appartenant à des êtres, dont l'entrée dans le village est refusée, ayant des dettes à payer en raison de leur mauvaise conduite au cours de leur existence. En général, les knuyu sont des sorciers décédés. Ce peut aussi être l'âme d'individus morts à la guerre ou d'une personne qui s'est suicidée. Les ancêtres font partie du lignage alors que les nkuyu non. Au dessus, arrive la hiérarchie des bisimbi (pluriel de simbi). Ce sont des ancêtres parvenus à un échelon plus élevé de la hiérarchie et sont à la disposition des humains. Ces esprits locaux bienveillants sont attachés à certains lieux particuliers comme le village, les rivières, les cascades, les source, les grottes ou les trous d'eau.

Les fondements du Palo

Quelles que soient ses déclinaisons, le Palo reste fortement imprégné de magie et repose sur 2 principes essentiels que sont la croyance dans les pouvoirs présents dans la nature et la vénération de l'esprit des ancêtres et des défunts.

En effet, les paleros affirment d'une part que la nature, comme les arbres ou les plantes, renferme des forces ou des pouvoirs magiques. Le respect de la nature, sous toutes ses formes, est donc essentiel pour la pratique du Palo. D'autre part, l'esprit des ancêtres (bakulu) et des morts (nfumbe ou infumbe) ainsi que les divinités et les esprits sont considérés comme des guides destinés à aider et à conseiller l'individu dans sa traversée du monde des vivants.

Ainsi, dans sa vie religieuse, le palero fera constamment appel aux anciens, aux prêtres, aux sorciers ou aux magiciens qui vont se référer, par le biais de la langue rituelle, aux forces de la nature (lieux naturels, animaux, arbres, plantes...) et aux esprits (ancêtres, fontômes, minknisi, bisimbi) pour déclencher des forces bienfaisantes ou malfaisantes qui agiront dans le domaine social ou individuel, chacun ayant son domaine de prédilection. En effet, si les forces peuvent être mises au service du bien, elles peuvent tout autant être utilisées pour le mal. Toutes ces entités vont se mettre au service du pratiquant ou de la communauté et agir directement sur leur vie. Toute chose visible ou invisible, qu'elle soit positive ou négative, est, pour le Palo, porteuse de puissance et intelligence. Elle peut donc être invoquée. C'est par la circulation de ces énergies positives et négatives que le Palo permet de mettre en action ou au contraire d'en contrecarrer l'effet, donnant en quelque sorte la priorité au magique sur le religieux.

Pratiques religieuses des Kongos

L'objet central utilisé dans le culte kongo est le knisi qui signifie "choses qui font les choses" en kikongo. Cela désigne un objet ordinaire comme un chaudron, un sac, une bouteille mais aussi un fétiche, qui reçoit l'apport de diverses matières afin d'être investi d'un pouvoir magique destiné à capter les esprits et entités souhaitées. Ce sont ces principes actifs ou bilongo qui transformeront l'objet ordinaire (fwiti ou bifwiti) en objet magique (kiteki ou biteki). Deux types de matériaux vont constituer le bilongo. La terre recueillie dans un cimetière, une tombe ou un carrefour, ainsi que l'argile tirée du lit d'une rivière, vont capter les esprits attachés aux lieux. D'autres ingrédients tirés des règnes végétal et animal, des ossements humains comme un crâne (qui ne doivent jamais appartenir à un ancêtre du clan ou un membre de la famille) ou des ossements d'oiseaux, vont eux transmettre la force nécessaire au processus magique (appelé trabajo qui signifie "travail"). Au travers du couple knisi/bilongo, le magicien concentre tous les pouvoirs disponibles et capture les esprits des morts (nfumbe ou infumbe) qui sont des guides spirituels et, dans certains ramas, celui d’un Mpongo pour les mettre à sa disposition. Dans ce cas, le knisi est spécifique à un Mpongo.

Les minkisi peuvent aussi être des statuettes zoomorphes ou anthropomorphes. Dans ce cas, il existe trois sortes de minkisi. Le knisi reliquaire enduit du mélange magique et comportant une poche ventrale contenant le bilongo. Cette poche est généralement refermée par un miroir. Le knisi nkonde est lui recouvert de clous et de lames plantés dans le fétiche. Enfin, le knisi mpemba ou nkisi phemba qui représente des maternités. À l'origine, l'utilisation du knisi servait uniquement à se préserver de l'action d'un sorcier (ndoki) et était préparé par un anti-sorcier ou magicien appelé (nganga).

Le knisi est reconnu comme un objet sacré, représentant les puissantes forces de la nature. Il doit donc être honoré par des chants rituels (les mambos), des sacrifices, des danses ou des tambours, permettant aux esprits de se manifester par l'entrée en transe des prêtres (ils sont "montado" ou "cargado"). Le Palo est ouvert aux hommes et aux femmes hétérosexuels seulement. Les femmes sont cependant restreintes dans leur usage du knisi.

La hiérarchie religieuse

Le Palo suit un ordre hiérarchique très structuré. Le tata (homme) et la yaya (femme) représentent la plus haute hiérarchie. Il peut être comparé au babalawo dans la Santería.

C'est lui seul qui va permettre d'initier toute personne au Palo. Avant qu'une personne soit initiée, elle doit consulter un tata expérimenté qui déterminera, à travers un contact direct avec le monde spirituel et les ancêtres défunts de la personne en utilisant le système de divination shamalongo, si elle sera capable de pratiquer le Palo. Parfois les esprits refusent une personne parce que le Palo ne doit pas faire partie de son chemin spirituel. Les esprits peuvent aussi nier l'accès à certaines personnes parce qu'ils considèrent qu'elles ne sont pas prêtes à assumer les responsabilités d'être palero.

Si les esprits répondent favorablement à la demande de la personne, le pas suivant est de passer la cérémonie du kimba, kimbo, nkimba ou rayamiento. Cette initiation est un marquage corporel rituel (des croix sont entaillées à divers endroits dans la peau du pratiquant) et une "mise en éveil" durant laquelle un pacte est passé entre l'adepte ou ahijado (qui signifie "filleul") et son propre guide spirituel. On peut rapprocher cette cérémonie à l'asiento de la Santería. Le palero accepte un engagement à vie dédié aux ancêtres et esprits congos. Il devient alors membre de la casa de Palo que dirige le tata. Ce dernier peut donc aider l'adepte à tout moment pour lui apporter soutien ou le guider dans sa vie spirituelle. Ce nouvel initié obtient le titre de ngueyo ou nguey (qui signifie "début" ou "commencement") ou, à Cuba et moins formellement, pino nuevo, guatoko, guatoco ou muchacho de prenda.

Le second grade d'initiation est le tata nkisi (homme) ou yaya nkisi (femme). L'adepte commence à grandir spirituellement avec l'aide des esprits congos. Après l'étude de tous les secrets et mystères de la religion, l'adepte va recevoir, durant la dernière étape de son initiation, son propre knisi. On dit que ce dernier naît du knisi de son padrino (parrain) qui est appelé tronco ("tronc" pour rappeler les ramifications des arbres). L'adepte peut alors faire un usage illimité de son knisi et créer sa propre munanso Congo (maison-temple). Il devient alors tata nganga ou padre nganga (homme) ou yaya nganga ou madre nganga (femme).

Les grades supérieurs sont ceux de :

  • tata ndibilongo, quand il commence à diriger une munanso Congo qui compte plusieurs adeptes ;
  • tata luwongo, tata wanga ou nkisi muluwanga, échelon le plus élevé de la hiérarchie, attribué aux tata ndibilongo reconnus. Son nom signifie "grand-père des fondements du nkisi".

Pour diriger la munanso Congo, les tatas ndibilongo ou tatas luwongo sont aidés par plusieurs personnes qui occupent des fonctions particulières (ce ne sont pas des grades religieux). Le tata effectue une cérémonie d'introduction pour chaque personne obtenant un de ces officios Congos :

  • le primer capacitado qui s'occupe du fondamento ;
  • le bakonfula, baconfula, bakofula, bacofula ou gando muelando, aussi appelé mayordomo en espagnol. C'est l'homme de confiance du nfumbi et le second maître de la nganga. Il veille à la pureté des rites religieux ;
  • le segundo capacitado qui épaule le primer capacitado ;
  • les barresuelos ou manzaneros qui s'occupent de la propreté de la munanso Congo ;
  • le talanquera qui veille sur la porte de la munanso Congo ;
  • le tata guancho, cuisinier de la nganga et de la munanso Congo en général.

Durant ce processus initiatique, l'adepte peut être aidé d'un padrino (parrain) ou d'une madrina (marraine), palero(ra) qui aide le tata, surtout durant la cérémonie du rayamiento. Il est assez fréquent que le tata soit lui-même appelé padrino.

Au sein de cette organisation, on trouve une répartition très précise des rôles entre les initiateurs, les intermédiaires et les destinaires. Le fondement du système s'appuie sur une spécialisation des tâches selon que l'on veuille agir dans le domaine collectif ou privé. Ces domaines eux-mêmes font à leur tour l'objet d'une sélection selon cette fois qu'il s'agisse de jeter un sort (le mal) ou de se protéger d'un sort, de simplement obtenir une faveur ou de réaliser un souhait positif (le bien). Cette spécialisation des fonctions s'étend jusqu'à l'utilisation d'intermédiaires spirituels distincts (forces, esprits, fantômes...). Ainsi, toute action de magie/sorcellerie fera intervenir un sacerdote (ancien, prêtre, sorcier ou magicien), une entité intermédiaire (ancêtre, esprits local bénéfique ou malveillant, fantôme...) et un destinataire (la collectivité ou l'individu) bien spécifique.

Dans le domaine public, l'envoi d'un sort négatif sur le clan ou un groupe social est entre les mains du chef de village ou des anciens. Pour obtenir satisfaction, ils utiliseront le concours des ancêtres. Généralement, l'envoi d'un mauvais sort sur la communauté répond à l'intention de donner une leçon, et non de porter préjudice. Dès qu'il sagira d'agir de façon positive sur le groupe, comme favoriser une récolte, ce sera au prêtre d'agir. Pour cela, il s'adjoindra les services des bisimbi qui sont des esprits locaux bienveillants attachés à des lieux particuliers.

En ce qui concerne les actions sur le domaine privé, les acteurs sont aussi spécialisés. Pour jeter un mauvais sort et pratiquer la magie noire, le sorcier (ndoki) va prendre à son service un fantôme (nkuyu) qui généralement est l'âme errante d'un ancien sorcier ou d'un membre d'une tribu n'ayant pas eu une vie respectable ou qui se serait suicidé. À l'opposé, le magicien (nganga) va, lui, intervenir pour créer les conditions nécessaires pour réaliser le souhait d'un de ses clients ou pour opposer un contre pouvoir à l'action présumée d'un ndoki. En l'occurrence, le nganga va utiliser le knisi pour construire et transmettre sa magie.

Enfin, parmi les nganga, on trouve des spécialisations :

  • le nganga mbiki détermine les causes d'une maladie et détecte si elle est naturelle ou provoquée par un acte de sorcellerie. Il oriente les malades vers le thérapeute le plus apte à le guérir ;
  • le nganga ngombo ou nganga tshiba qui détermine l'origine des actions affectant la société en général. Il en désigne les coupables (vols, conflits...). C'est un voyant qui est en mesure de débusquer les sorciers. L'un des tests permettant de détecter le sorcier est celui de la marmite (tshiba) dont le contenu porté à ébullition s'enflamme si le nom prononcé est celui d'un sorcier ou au contraire refroidit si l'individu est innocent. Une autre technique plus ancienne consistait au jugement du poison. Si celui qui en buvait vomissait, il était coupable et risquait d'être condamné à mort ;
  • le nganga malema qui soigne les hernies et les inflammations. Il est également protecteur. C'est un chasseur de mauvais esprits. Les gnanga initiés au malema sont tenus de respecter certains interdits comme ne pas manger de porc ou ne pas boire et manger ce qui est aigre ;
  • le nganga mpungu nvuasa qui est en charge de régler les situations délicates comme les adultères ;
  • le nganga bilayi ou nganga mbâssa qui a le pouvoir de développer la force physique ;
  • le nganga miyuna qui peut apporter la richesse à ses solliciteurs ;
  • le nganga kauga nkuyu yuma (littéralement le "chasseur de diable sec") qui est en mesure d'arrêter les mauvais esprits, y compris celui que l'on nomme nkuyu yuma ("diable sec"), créature du ndoki ;
  • le nganga lufu, le forgeur, fonction très spéciale et appréciée ;
  • le nganga kuka, le guérisseur ;
  • le nganga bankulu, le sage qui garde le réceptacle des ancêtres.

Mutation cubaine du culte kongo

La relation sorcellerie/magie dans la culture kongo est extrêmement complexe et s'articule autour de trois axes : la relation collective, les interactions individuelles, et l'environnement immédiat. Or, il s'avère que la "délocalisation" vers l'Amérique a coupé les individus de leur environnement africain auquel étaient attachés les esprits locaux, a définitivement détruit le lignage et le tissu social ancestral et a brisé les liens communautaires (clan), ne laissant subsister que le rapport individuel et les pratiques magiques qui en dépendent. Les fonctions attachées à la collectivité perdent ainsi en puissance. Ancêtres anciens et bisimbi n'étant plus "disponibles" les actes magiques auront tendance à se replier vers la sphère privée.

En même temps, la signification de certains termes s'est trouvée modifiée. Ainsi, dans les syncrétismes concernés comme le Palo, le mot knisi, souvent traduit par inquices, inquise ou enkisis est utilisé pour désigner les esprits ou divinités alors que ceux-ci sont les kimpungulu pour les Kongos. Quant au knisi, il est devenu le nganga, prenda, fundamento ou caldero. Les cubains recouvrent le contenu de ce dernier par des bâtons d'Iroko, arbre sacré. En espagnol, le mot bâton se traduit par "palo". C'est ce qui a donné le nom à cette religion.

Le knisi est peu à peu utilisé aussi bien pour la magie blanche que pour la magie noire. Bien qu'il existe au départ une distinction entre nganga inzambi (magicien) et nganga ndoki (sorcier), le mot ndoki a disparu pour laisser la place au seul terme nganga qui sera utilisé aussi bien lorsqu'il agira comme sorcier que comme magicien. Le terme nganga est donc tout aussi bien utilisé pour désigner le chaudron où sont réunies les diverses matières et l'opérateur de la magie, magicien, alors que le nganga, à l'origine, n'est que le magicien. Il deviendra nganga mayombe ou gnanga judio ("juive") lorqu'il opérera la magie noire et maléfique dans le cadre du Palo Mayombe et nganga kimbice ou nganga cristiano ("chrétienne") pour la magie blanche et bénéfique dans le cadre du Palo Kimbisa. Il faut évidemment voir dans ces dénominations le souffle d'un christianisme prêchant pour sa paroisse.

Évolution des Congos à Cuba

À Cuba, 9 nganga furent initialement construits pour représenter les 9 royaumes sacrés sous le règne du Manikongo :

  • ndumbo a nzinga plus tard appelée ngundu batalla sácara empeño par Saturnino Gómez à la fin du 19 ème siècle à Pinar del Río ;
  • nkisi mananga, mariwanga ou manawanga par le fameux cimarrón Juan Ganga au début du 19ème siècle à Pinar del Río ;
  • mboma ndongo, nkisi de mboma, negra ngola ou regla ngola par des bakongos dans le quartier havanais de Guanabacoa en 1812 à la suite d'un soulèvement d'esclaves durement réprimé ;
  • mundo catalina, manga, nanga nsaya ou nkisi nanga par des esclaves de la propriété Diana Soler à la fin du 19 ème siècle dans la région de Matanzas ;
  • mankunku plus tard appelée mayimbe nkunku sácara empeño par des cimarrones ayant fuit la plantation Tinguaro au cours du 19 ème siècle dans la région de Matanzas ;
  • makaba, mbumba kuaba ou kaba par des cimarrones de la plantation de Buena Vista du propriétaire Justo germán Cantero au cours du 19 ème siècle à Santa Clara ;
  • ngumbi ou nkindi du cimarrón Ciriaco 'Ngumbi' au milieu du 19 ème siècle à Camagüey ;
  • mbudi yambozki nzinga par l'esclave Baltazar Yamboaki au cours du 19 èmesiècle dans le village de Yara dans l'Oriente ;
  • mbenza bana pour des mambis qui ont trouvé la mort durant la seconde guerre d'indépendance à la fin du 19 ème siècle dans l'Oriente.

Toutes les autres nganga descendent de ces 9 nganga-mères. Parmi elles, certaines sont connues comme lucero mundo, camposanto medianoche, centella monte oscuro, luna nueva ou tá makuende yaya.

Les méthodes de divination

Les techniques de divination du Palo sont variées. Elles sont essentielles pour voir le futur afin de pouvoir régler ses problèmes de façon rapide et efficace.

Shamalongo

Shamalongo
Shamalongo

Le shamalongo ou chamalongo (dérivé du sytème africain xianmaloango) qui utilise 4 morceaux de noix de coco (nzandi ou nkandi). À l'origine, c'était plutôt des coquillages, des os de crâne humain, des carapaces de tortues, des morceaux de cornes... mais l'influence de la Santería a amené à l'utilisation maintenant courante de la noix de coco. Les réponses sont apportées par le nombre de pièces tombant sur face déterminée et leur disposition après les avoir lancées. Tomber sur une partie convexe (imbi ou mpi) est signe de malheur alors que la partie concave (mbote) est signe de chance. Ce système est équivalent au biague ou obí de la Santería. Les réponses apportées par le shamalongo sont de type "oui"/"non". 4 concaves désigne matuba (réponse affirmative, bonheur, réussite, bien-être), 3 kisalu (réponse oui avec doute qui demande un nouveau tirage, travail, prospérité malgré des obstacles), 2 budelele (réponse la plus affirmative, égalité, équilibre, succès total), 1 nzanza (réponse négative, guerres, difficultés, guerres) et 0 kufwa (réponse la plus négalive, mort, obscurité, danger, maladie grave). En prenant en compte la disposition du tirage, un peu plus d'information peut être obtenue.

Nkobos

Les nkobos qui sont 4, 5, 7, 9, 14, 16 ou plus souvent 21 cauris (nkobo) utilisés pour obtenir des réponses d'une manière similaire au shamalongo. Ce système est plus complet que le shamalongo. Parfois, des disques dont la matière varie ou des os peuvent remplacer les cauris. Il se rapproche du diloggún de la Santería.

Mpaka mensú

Le mpaka mensú, npaka mensú ou vititi mensú qui est une méthode plus traditionnelle. Le palero utilise une corne d'un animal consacré (mpaka ou npaka) qui contient des ingrédients magiques et dont l'ouverture est fermé par un miroir (vititi mensú). Il souffle de la fumée à l'intérieur et lit les figures qui se dessinent.

Les chants

Les chant rituels congos, les mambos ou mambis, sont basés sur l'interaction entre un soliste (gallo) qui introduit un thème sous forme de courtes formules et un chœur (vasallo) qui reprend les annonces de ce dernier. Ensuite, le soliste fera varier ce thème. L'art de faire évoluer le sujet du mambo est désigné par le mot "emboar" qui signifie parler ou improviser. Assez répétitive, la varition du thème repose toutefois sur un répertoire plus ou moin stable de formules et phrases toutes faites.

Les pratiquants du Palo prétendent chanter en lengua, langue liturgique spéciale. Cette langue varie d'un mambo à l'autre. Assez hétérogène en termes lexicologiques, morphologiques et syntaxiques, elle dérive sans doute de la langue bozal, le "baragouin" des esclaves africains qui, à peine débarqués aux Amériques, ne maîtrisaient pas encore l'espagnol. Le lexique proprement religieux des mambos provient lui principalement du kikongo. Par la suite, des mots espagnols, souvent en mauvais espagnol, ont été inserés dans ces chants.

Les instruments

Les Congos utilisent de nombreux tambours aux aspects très variés. Pami eux, on peut citer :

  • les tambours ngoma ou palo, tambours sacrés réservés pour les cérémonies rituelles ;
  • les tambours makuta, qui sont des tambours consacrés. Ils sont utilisés pour les cérémonies religieuses et les musiciens qui les jouent doivent être initiés. Le percussionniste doit avoir les mains propres, lavées par de l'eau sacrée avant de les toucher. Des sacrifices ou des offrandes sont réalisés pour honorer ces instruments ;
  • les tambours yuka, tambours grossiers (la peau est directement clouée sur le fût) qui ne sont pas consacrés. Ils sont employés pour tout type de fêtes à caractère non-religieux comme les rassemblements de divertissement. Les musiciens qui les jouent n'ont pas besoin de suivre de processus d'initiation.

Parmi ces tambours, un d'entre eux, le kinfuiti, est spécifique. Argeliers Léon, musicologue cubain réputé, le décrit comme : "un tambour à friction comportant une lanière interne, fixée au centre de la membrane. La lanière est frottée en rythme par les deux mains du musicien, assis sur le tambour qu'il maintient entre ses jambes, l'ouverture lui faisant face. Il enduit ses mains d'un mélange légèrement collant et produit, sous l'effet de la friction, un puissant mugissement rythmique". Cet instrument est comparable à la cuica brésilienne. Ce tambour secret et strictement religieux car sacré se jouait dans toute l'île et subsiste encore dans l'ancienne province de la Havane (cabildo de San Antonio de Padua aussi appelé Makuende Yaya à Quiebra Hacha). Selon Fernando Ortiz Fernández, il est souvent joué accompagné de 3 tambours ngomos (le mpambi, le mayuka et le ndingui).

Le percussionniste qui joue le tambour soliste porte aux poignets des bracelets de clochettes appelés nkembí ou nsasi.

Ces tambours sont en général accompagnés d'une guagua ou cajita, petit morceau de bois évidé et frappé avec des baguettes. Parfois, le rythme est directement joué sur le fût d'un des tambours. Enfin, il est fréquent que soit utilisé une muela, guataca ou nongue (serpette ou soc de charrue ou plus récemment cloche en métal).

On peut enfin citer des instruments plus rudimentaires ou moins communs comme :

  • le garabato, lungowa ou lungóua, branche d'arbre qui se termine par une forme en V. Tenu par le côté long, il est utilisé pour percuter le sol et accompagner les chants qui font se réveiller les pouvoirs de la terre durant les cérémonies religieuses ;
  • la marímbula, caisse en bois sur laquelle sont fixées des lamelles que l'on fait vibrer pour produire une gamme de sons. Les Congos mondongo l'utilisent pour accompagner les actes de sorcellerie. Composé de 8 lames, elle porte le nom de mutekenguiyi. Chaque lamelle possède une fonction rituelle ;
  • le palo mumbona du cabildo nommé Congo mumbona. Ce long tronc évidé, traversé d'une fente dans le sens de la longueur, est percuté avec 2 baguettes. Il est décoré d'une petite figure représentant l'esprit du tambour ;
  • la kalunga, grand tambour bimembranophone posé horizontalement sur 2 pieds. Cet instrument n'a été rencontré qu'à Trinidad ;
  • le tamborcito de ngangulero, utilisé par le ngangulero pour accompagner ses chants magiques. Ce petit tambour en bois porte une peau en cuir de taureau clouée sur le fût. Elle est tendue en l'approchant près d'une source de chaleur ;
  • le masinga, tambour propre aux Congos masinga qui ont formé un cabildo à la Havane. Cet instrument unimembranophone et tronconique, fabriqué d'une seule pièce, mesure environ 1 mètre de long. La tension de la peau est réalisée par une simple corde en zig-zag ;
  • la tumbandera construite autour d'un trou dans le sol recouvert d'une plaque en bois de yagua (palmier). Plus loin, une tige flexible ou yaya est plantée verticalement. Une corde ou une fibre lie cette barre au centre de la plaque de bois. La yaya permet de tendre la corde qui, produisant une vibration, est amplifiée par le trou qui joue le rôle de caisse de résonance. Un instrument similaire appelé sirivinga est présent à Trinidad et tingo-talango à Managua (Ciego de Ávila). Il a été vu à Guaicanamar un tel instrument avec 3 cordes (un fine, une moyenne et une grosse). Fernando Ortiz Fernández a aussi décrit un instrument bantou nommé shungha pour lequel l'extrémité de la corde est tenue dans la bouche, jouant le rôle de caisse de résonance ;
  • les bocusitos, petits tambours dont la peau en cuir est clouée, qui se trouve dans la zone orientale de l'île. Ils accompagnent des musiques d'origine congo.

Les firmas

Firma
Firma

Il est fréquent de voir divers tracés, les firmas, patibembas ou patipembas (signatures), sur les prendas, le sol ou tout objet rituel. Les firmas correspondent chacune à une divinité ou entité unique. Dessiner ces formes est un des moyens de les appeler à participer soit aux sessions et rituels de possession, soit à l'élaboration des travaux de magie. Les tracés effectués avec du plâtre sont utilisés pour la pratique de la magie blanche, et ceux esquissés au charbon pour la magie noire.

En Afrique, les firmas servaient aussi à désigner les fraternités religieuses secrètes bantous, permettant à ses membres de se reconnaître facilement. Ainsi, ils ne connaissaient que celles associées à leur lignage. À Cuba, tout ceci s'est mélangé suite à la perte des repères et au déracinement que subirent les esclaves lors du commerce triangulaire.

Empire Kongo :

Les bantous :

Les Congos :

La religion Palo :

Vocabulaire du Palo :

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