La Tajona

La naissance de la Tajona

La Tajona, Tahona, Taona ou plus rarement Tahana est une musique qui fait partie du folklore haïtiano-cubain. Le mot "tajona" désigne la roue en pierre du moulin entraîné par un âne ou un cheval que l'on utilisait dans les grandes propriétés de café (cafetales) pour enlever la peau des grains et les broyer. Elle a été introduite à Cuba par les esclaves qui ont fui Haïti accompagnés de leurs maîtres suite à la révolution de 1791.

La Tajona était largement pratiquée au 19ème dans les régions de Santiago (d'abord à Santiago même puis rapidement à La Maya, Alto Songo, El Socorro, El Estribo, Ti Arriba) et Guantánamo. Cette "Conga rurale" était jouée à l'occasion des défilés carnavalesques de San Juan (24 juin), San Pedro (29 juin), San Santiago (25 juillet) ou Santa Ana et San Joaquín (16 août). Les musiciens et danseurs défilaient réunis en groupes identifiés par des emblêmes, des bannières et des drapeaux. La Tajona est un des antécédents de la Conga Orientale.

Certains disent qu'à l'origine, la Tahona était un rassemblement qui permettait à des groupes d'Haïtiens de parcourir de grandes distances pour rendre visite à leurs familles et amis pendant les vacances au son de ce rythme. Puis, elle perdit sa tradition rurale pour être incorporée dans les carnavals. D'autres avancent que Pilili (ancien leader de la Conga de los Hoyos) aurait mélangé la Conga avec le rythme Masón de la Tumba Francesa pour créer un rythme de carnaval afin de concurrencer le Cocoyé de la Conga de los Hoyos.

Durant les défilés, les Noirs profitaient de la Tajona pour parodier la société blanche au travers de cantos de puya ou cantos de pulla (chants improvisés à caractère satirique) ou de parodies faisant intervenir des personnages tournés en ridicule. Un groupe de Tajona comprenait également des bastoneros (lanceur de bâton) et 3 pendones ou banderas (porteur de drapeau) dont la couleur avait une signification : le blanc pour la paix, le rouge pour défier les autres comparsas à l'improvisation de chants ou au jeu de bastón et le bleu pour les formations féminines.

La Tajona aurait été transportée à la Havane par des membre de la société abakuá. Il est dit qu'elle fut (ré)inventée par les boulangers de la Havane, notamment du quartier de Carraguao. Cependant, elle y changea d'instruments et d'esprit et finit par s'éteindre.

Aujourd'hui, cette musique tend à disparaître au profit de celle des défilés de Conga. Seuls quelques groupes professionnels comme le Ballet Folklórico Cutumba maintiennent cette tradition.

Le rythme

Musicalement, la Tajona est liée à la Rumba et à la Tumba Francesa. Contrairement à cette dernière jouée dans les salons de danse, la Tajona est ouverte à tous et jouée en plein air. On la considère parfois comme une variante de la Rumba appelée Rumba Tajona.

La Tajona est composée d'un premier rythme lent à modéré, le golpe de camino (rythme de marche) et d'un second plus rapide donc exécuté en statique, le golpe de Tajona.

L'instrumentation de la Tajona

L'instrumentation de la Tajona est une transformation de celle de la Tumba Francesa en rendant les tambours plus petits et portatifs, adaptés au défilé. D'ailleurs le musicologue Fernando Ortiz pense que la Tajona a été créé par des membres de Tumba Francesa pour pouvoir défiler, ce qui était incompatible avec la lourdeur de leurs tambours. La peau, en cuir de chèvre, est tendue sur un cylindre en bois grâce à un système de tension dit "à piquets".

Traditionnellement, un ensemble de Tajona est composé de :

  • 2 huecos (tambours) : l'aigu est appelé repiqué, quinto ou repicador et le grave, fondo ou quija. La peau en cuir de chèvre, tendue à l'aide d'un système à piquets, est percutée à main nue ;
  • un tambour bimembranophone appelé tambora, tamborita, tamborito ou tambuché, aussi utilisé pour le rythme Masón de la Tumba Francesa. Similaire à une grosse caisse, sa peau, maintenue par un cerclage mis sous tension par des tirants, est frappée par une courte baguette recouverte de peau. En plaquant la main sur la peau opposée, le musicien étouffe le son de certains coups.

Cet ensemble peut aussi comprendre un tambour bimembranophone, plus petit que la tambora mais plus profond, du nom de bimba. Sa peau en cuir de chèvre est tendue grâce à un cerclage maintenu par des tirants métalliques.

Dans les carnavals, il est fréquent que cette formation soit complétée par un tambour de type tragaleguas, un métal (soc de charrue), des chachás ou tcha-tchas (hochets métalliques en fer blanc) ou un guamo (coquille de conque).

Martha Esquenazi Pérez relève qu'à La Maya, la formation est composée d'un fondo, d'une tambora, d'une tumbadora, d'un llamador, d'un quinto, d'une guataca et de 2 pièces métalliques d'automobile servant de cloche et appelées génériquement campanas.

Les chants

Les chants de Tajona, en espagnol, ont généralement pour sujet le quotidien. Le chant est articulé sur un schéma responsorial soliste/chœur.

Chant proposé par Berta Armiñan (Cutumba) et transcrit par Daniel Mirabeau

[Soliste]
En el barrio de Los Ramos
[Chœur]
Hay la gente que diran
[Soliste]
Que los hijos de Andreita
[Chœur]
No cesan de parrandear
[Soliste]
Si alguno lo esta sufriendo
[Chœur]
Trabajo le manda a dios
[Soliste]
Yo soy dueña de Los Huecos
[Chœur]
Y en Los Huecos mando yo

Le disque Ritmos Cubafricanos" (volume 1) interprété par le Ballet Folklórico Cutumba contient un morceau de Tajona.

La Tajona :

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